Hervé Perdriolle Photos (suite)

Milieu et fin des années 1970, la photographie et le cinéma encore plus que la peinture s’inscrivent en arrière plan de ces tentatives de captures d’images, d’arrêt sur le temps. Mes influences photos, Steve Hiett pour ses couleurs cadrées au plus précis, Duane Michals pour l’apparition des plans séquences dans la photographie, William Eggleston, alors méconnu, pour ses couleurs kodachrome typiques, simples et suaves, si liées à l’apparition de cette surface sensible, l’héritage d’Eward Weston repris par Ralph Gibson pour cette approche d’une abstraction formelle proche d’un certain biomorphisme, d’un formalisme organique. Mes influences cinémas, Wim Wenders entre chien et loup, nuit et jour, bruissement et silence, Eric Rohmer et ses narrations minimalistes… le tout hérité d’Antonioni et de Bergman.

Richard Long Warli land, Inde 2003, photo Hervé Perdriolle

Autres séries faites en paralèlles à ces photographies, celles de dessins, gestes, traces, empreintes, conservées curieusement dans des registres d'actes de naissances / mariages / décès.
Les années 78, Quimper.

Un feutre, une feuille de papier. Beaucoup de feuilles et juste un feutre. Une main: pendule, effleure la feuille de papier, le feutre heurte la surface, glisse. Légèrement, doucement, la pointe du feutre rebondit sur la page. Inlassablement le même geste répété. Le feutre rebondit inlassablement. Simple flirt, esquisse, le geste s'affirme. Le dialogue commence: une histoire sans parole. Le feutre rebondit plus lourdement, marque la page, laisse derrière lui une trace plus longue. Simple dispute. La marque s'affirme. Le geste répété devient plus violent. Le feutre se répand. La page reçoit l'offrande. La marque s'élargit. Le point d'impact se précise. La pointe du feutre cède petit à petit laissant s'échapper quelques taches d'encre. La pointe explose et c'est le tube en plastique noir du feutre qui heurte le papier. L'encre s'en échappe et se projette sur l'espace blanc soulignant la rapidité féroce du geste. Le tube en plastique noir du feutre marque de plus en plus le papier. D'abord simple trace, refoulage, puis petit à petit le noir du plastique adhère à la surface. Oubli du flirt, de l'esquisse. Passion du geste éternel. Mouvement inversé: de la forme la plus pure à la plus brute. La main tient de plus en plus fermement le feutre. Soudain, le doigt effleure le papier. Par la violence du geste répété, le feutre éclate, se tord. La main le tient toujours, mais la main et le feutre se confonde et maintenant c'est la main et le feutre qui heurtent le papier: traces de sang qui se mêlent à l'encre, au sillon tracé par le tube en plastique du feutre disloqué. Pas de souffrance dans ce geste, pas de bobo, simple écorchure. Une seule volonté: en finir! Aller au bout de ce geste. De ce dialogue entre une feuille de papier et un feutre. Pour la beauté, tout simplement pour la beauté: celle d'une histoire simple avec un début et une fin. Dialogues d'un instant. A chaque impact quelques dixièmes de secondes. Juste un feutre et autant de feuilles de papier qu'il faudra.
Juste une œuvre d'art, la seule dont je sois capable: extrême.
De la plus intime douceur à la délivrance

"Présomption d'innocence" Inde 2003, photos Hervé Perdriolle

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